DU BRUIT ET DE LA FUREUR
RECIT
LIAM : Une douce voix me réveille m’annonçant notre arrivée proche. Je boucle ma ceinture et je regarde une dernière fois par mon hublot. Mon regard se pose sur ce petit bout de ville entre zone d’habitation timide et une zone commerciale dense aux voies de transport encombrées et bouchées.
J’observe toutes ces voitures embourbées cul à cul sur cette 4 voies et je m’imagine ce qu’ils peuvent bien penser à ce moment.
Elle, par exemple dans sa voiture.





Une demi-heure plus tard, la voix robotique douce et féminine reconnaissable annonce « Prochain arrêt, le Haillan Rostand, terminus tram A, descente de tous les voyageurs, à bientôt sur nos lignes » ; Marc se réveille en sursaut, il est seul dans le tram, il devait descendre à l'arrêt précédent. Il peste, se maudissant d'avoir veillé si tard la veille. Il prend son sac et se lève. Le tram s'arrête, les portes s'ouvrent il descend et regarde a montre. 07H05, il se dirige d'un pas pressé vers l'avenue Magudas. Le trafic dense forme un brouhaha incessant de circulations dans un sens et dans l'autre. Il marche sur la piste cyclable de l'avenue, passe devant la pâtisserie Bijou, les claquements des marteaux du chantier d'à côté et les bruits de déchargement de l’entrepôt se font entendre et créent des impacts qui cassent la monotonie du trafic. Un feu, il s'arrête, patiente un moment avant de traverser, accompagné par les bruits des moteurs au point mort. Il arrive sur le pont de la rocade, les bruits des voitures se font plus forts et créent des vibrations sous ses pieds, il n'arrive plus à déterminer d'où proviennent les sons, de gauche, de droite, de derrière, de devant, de dessous, tout se mélange et les décibels augmentent, forçant sur ses tympans, le son est saturé. Soudain un bruit se fait plus fort, et semble s'approcher, il lève la tête et suit du regard l'avion qui passe au dessus de sa tête. Il voit le tram s'approcher sur le trottoir voisin, les sifflements se rapprochent, il tend l'oreille et écoute les quatre claquements du passage du tram sur l'embranchement des rails. Un autre feu, il est vert, il presse le pas, et arrive enfin devant le bordeaux cafet. 07H15 il ouvre la grille et commence sa journée de travail.

Mon avion atterri, j’ai n’ai pas vu le temps passer. Finalement, il n’est pas si ennuyeux ce petit bout de ville.
ANASTASYA : Comme chaque matin, Marc prend le tram depuis l’hôtel de ville, il est 6h30, il s'assoit à l’arrêt de tram ; il lit sur le panneau d'affichage « tram A direction le Haillan Rostand 05 min d'attente », il allume sa troisième cigarette de la journée, assis entre les travailleurs aux yeux tirés et fatigués. Enfin le tram arrive, le chuintement strident se fait entendre, les portes s'ouvrent, il se fraye un chemin jusqu'à un siège et s'accoude sur le rebord de la fenêtre, les yeux dans le vague, les pensées encore embrumées. Les portes se ferment, le tram se met en marche, les claquements et sifflements réguliers font un bruit de fond qui ronronne, le berçant doucement ; il ne tarde pas à sentir ses paupières lourdes et à s'endormir.
PAULINE : Je m’appelle Jean, j’ai 8 ans. Nous sommes le vendredi 23 septembre, et nous partons ma famille et moi en week-end à Bayonne. J’habite à Bruges et nous prenons la route. Nous rejoignons la rocade et je vois déjà papa se crisper au volant en voyant les bouchons. Maman lit un livre sur comment gérer ses salariés en entreprise et Marie, ma petite sœur s’est déjà endormie. Je décide après trente minutes à être coincés dans les bouchons, de jouer avec ma Nintendo DS à un jeu de guerre. Papa, énervé, me demande d’éteindre le son en haussant le ton ; ça le dérange. J’exécute et lorsque ma sœur se réveille, je prends l’initiative de chanter une chanson pour mettre un peu d’ambiance ; mais maman n’arrive pas à se concentrer, donc j’arrête aussitôt. Un silence de mort se fait entendre, jusqu’à ce qu’un avion le brise et aille se poser de l’autre côté de la rocade ; 5 minutes après, un autre fait de même. Pour combler mon ennui, je décide d’imaginer quelles destinations vont prendre ceux qui décollent et d’où viennent ceux qui atterrissent.
Mes pensées se perdent de plus en plus au fil des voitures circulant à pas de tortue. Soudain une silhouette sombre traverse mon champ de vision à toute vitesse. C’est le fameux tramway de bordeaux qui vient terminer sa course ici. Un homme descend seul, il m’a l’air bien pressé. Qu’à t-il bien pu lui arriver.
MARGUERITE : Soupir. De soulagement ou de dépit, on avance pour mieux reculer. Le conducteur me précédant s'arrête net, le moteur vrombit dissimulant les jurons d'énervement. Des mégots volent par les vitres entrouvertes au minimum pour ne pas attraper froid. Dépité. C'est le mot qui rassemble l'émotion que m'inspirent toutes ces personnes. La monochromie du décor illustre parfaitement les bruits émis par ces moteurs qui se languissent d'une allure traînante. Aïe! Un klaxon m'arrache à mes divagations. Effectivement je n'avais pas suivie la file qui s'était arrêtait 15m plus loin. Un coup d'oeil au rétroviseur m'indique qu'il s'agit d'une femme, jeune, extrêmement tendu dans sa Twingo d'occasion. Est-ce qu'elle a passé une journée stressante, ou commence-t-elle à bosser? On créer des portraits de toutes ces personnes croisé, aperçu ou entrevu.
L'écho des véhicules fuyant sous le pont invite à l'égarement de l'esprit. C'est la mélodie rassurante d'un trafic ordinaire. On l'écoute de la même façon que les musiques passant au téléphone lorsqu'on patiente pour des services administratifs. L'éréthisme d'une attente un peu longue se fait vite sentir. Glissement de roue sur la chaussée. Je me tourne pour observer un camion qui dérape, il me semble qu'il voulait dépasser une voiture un peu longue à la détente. Sa patience ne semble pas aussi étendue que son véhicule. Dans un fracas assourdissant il redémarre et file aussi sec. Allez, un dernier feu. C'est un lieu où à peine entré on pense déjà à en sortir, vide de sens et de charme. L'envol d'un avion apporte une nouvelle distraction à ce paysage sonore quelque peu monotone. Cela me fascine tellement, le voir monter dans les airs, imaginant sa destination que j'en oublie presque la raison de ma présence dans cette intersection. Le démarrage puissant et bref des voitures au changement de feu me le rappelle naturellement. C'est à mon tour de m'insérer. Je rejoins vite les vrombissements déjà lointains des voitures filants sous le pont.
Cette pensée me fait sourire, je continue à scruter cette foule qui avance pas à pas et je remarque cette petite famille dans leur voiture, mais à quoi peuvent-ils bien penser.